8ème dimanche du Temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 20 février 2022« C’est le fruit qui manifeste la qualité de l’arbre. »
Homélie
Textes bibliques : Lire
À quelques jours de l’entrée en Carême, les textes bibliques de ce dimanche nous proposent un chemin de conversion. Ils nous invitent au discernement et à l’humilité. Dans la première lecture, Ben Sira nous parle du tamis qui filtre les déchets. Nous avons, nous aussi, à faire le tri dans notre vie : pensons à tous ces bavardages futiles, ces publicités tapageuses, ces slogans que nous entendons à longueur de journée. Tout cela nous empêche de voir clair dans notre vie. Certaines paroles, certains commérages révèlent l’étroitesse d’esprit de celui qui les prononce. La première lecture nous recommande de ne pas faire l’éloge de quelqu’un avant qu’il ait parlé. En effet, ses propos peuvent révéler le meilleur et le pire.
L’Évangile nous invite à faire un pas de plus : Jésus recommande à ses disciples de bien choisir leur maître, celui qui sera leur guide sur la route du règne de Dieu. Nous comprenons bien qu’un aveugle ne peut pas guider un autre aveugle. Le malvoyant ne peut avancer dans la vie qu’en s’appuyant sur quelqu’un qui y voit bien, quelqu’un qui sait anticiper les moindres obstacles. Notre seul vrai guide, c’est Jésus lui-même ; il est « le Chemin, la Vérité et la Vie » ; c’est par lui que nous allons au Père ; c’est en mettant nos pas dans les siens que nous sommes assurés et rassurés ; Jésus est notre lumière ; il nous guide pour nous aider à discerner et à sortir de notre aveuglement.
Dans une deuxième parabole, le Christ nous recommande de « balayer devant notre porte ». Il dénonce l’attitude de celui qui veut enlever la paille dans l’œil de son frère alors qu’il y a une poutre dans le sien. Avant de juger un frère pour une peccadille, il vaudrait mieux faire un examen de conscience sur nos propres fautes. En effet, celles-ci peuvent s’avérer plus lourdes que celles du frère en question. Juger les autres, c’est de l’hypocrisie, c’est vouloir se mettre à la place de Dieu. Nous sommes trop mal placés pour le faire. Le jugement appartient à Dieu seul. À notre jugement, il manque la miséricorde.
Pour comprendre cet Évangile, c’est vers le Christ qu’il nous faut regarder : tout au long des Évangiles, nous le voyons accueillir les publicains, les pécheurs, les infréquentables de toutes sortes. Il aurait pu leur reprocher leur mauvaise vie et les rejeter. Mais lui-même nous dit qu’il est venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Nous connaissons la parabole du fils prodigue qui revient vers son père. Cette parabole nous dit que pour un seul pécheur qui se convertit, c’est jour de fête chez les anges de Dieu.
Une troisième parabole nous parle du bon arbre qui ne peut donner « de fruit pourri ». Ce qui est visé, c’est la cohérence entre la foi et la vie, entre ce qui est extérieur et ce qui est intérieur. Il ne suffit pas d’avoir de bons sentiments : notre qualité chrétienne se manifeste en vérité dans notre capacité d’amour fraternel, de service et de témoignage. Au jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint a été répandu en abondance pour produire des fruits qui demeurent.
Cet Évangile rejoint notre Église dans ce qu’elle vit actuellement. Tout au long des siècles, elle a connu des crises très graves, des hérésies, des abus, des contre-témoignages de toutes sortes. Mais le Seigneur a toujours mis sur sa route les personnes qu’il fallait pour l’aider à se remettre en accord avec l’Évangile. Dans les moments dramatiques, des grands témoins de la foi ont donné le meilleur d’eux-mêmes. À travers eux, c’est l’appel du Seigneur qui retentissait : “Convertissez-vous et croyez à l’Évangile !” Nous chrétiens d’aujourd’hui, nous sommes envoyés non pour dénoncer ou accuser mais pour être les témoins et les messagers de l’Évangile auprès de tous ceux et celles qui nous entourent. Le Seigneur nous assure de sa présence. Nous pouvons toujours compter sur lui, même dans les situations les plus désespérées.
Dans sa lettre aux Corinthiens, saint Paul nous parle précisément de la victoire du Christ sur la mort et le péché. Cette victoire est double : Premièrement, par sa mort qui nous sauve, il nous réconcilie avec Dieu : grâce à lui, la mort peut devenir entre nos mains un acte de total abandon à l’amour du Père ; tout l’Évangile nous dit et nous redit que cet amour est bien plus grand que tous nos péchés. Deuxièmement, par sa résurrection, le Christ est le gage de notre propre résurrection. C’est à cette victoire sur la mort et le péché qu’il veut nous associer.
En nous rassemblant pour l’Eucharistie, nous nous tournons vers Celui qui est la Lumière du monde. C’est cette lumière de l’Évangile que nous voulons accueillir en nous. Le Christ veut qu’elle brille aux yeux du monde afin que les hommes rendent gloire à Dieu. Nous lui demandons qu’il soit toujours avec nous et nous toujours avec lui pour cette mission qu’il nous confie.
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« Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? » (Lc 6:41) Avec une grande justesse, Jésus dénonce la bonne conscience hypocrite à l’égard de soi-même et les accusations faciles envers les autres. Nous sommes toujours prompts à remarquer les petits défauts d’autrui en oubliant les nôtres, parfois plus importants. Nous nous montrons intransigeants vis-à-vis des autres, les critiquant sévèrement : ‘c’est une honte, un scandale, c’est inadmissible…’ Et nous nous trouvons des excuses en faisant preuve d’indulgence envers nos propres manquements considérés comme des vétilles : ‘ce n’est pas bien grave, cela peut arriver à tout le monde…’.
‘La paille et la poutre !’ L’image est forte et lourde de sens. La Parole de Jésus est devenue proverbiale. Elle fait allusion à celui qui prétend faire la morale aux autres en oubliant de se corriger soi-même. Nous aimons entrer dans les détails de la vie de nos semblables pour y retrouver la moindre erreur, et nous oublions de nous examiner pour nous rendre compte de nos propres défauts. Oh oui, l’évaluation est bien présente dans les relations humaines. Toujours plus sensibles aux faiblesses des autres, si infimes soit-elles, qu’à nos propres défauts, si flagrants soient-ils. L’erreur d’autrui est toujours flagrante et nos défaillances insignifiantes !… Mais souvent, en nous basant sur nos premières impressions sans bien connaître les vraies raisons d’agir des gens ou sans savoir ce qui se passe réellement, nous avons tendance à juger à partir de notre interprétation subjective. Et la plupart du temps, nous ne voyons que l’aspect extérieur. Nous réagissons en relation avec ce qui nous agace ! Car certaines conduites peuvent nous importuner : une attitude arrogante ou tout simplement le timbre de la voix… Cette émotion négative déforme la réalité et nous fait croire qu’il n’y a aucun point positif à retenir. Une image réductrice qui fausse la vision globale des choses !
Notre regard sur les autres porte souvent un jugement de valeur, c’est humain. Pourtant, apprendre à dépasser les préjugés peut nettement améliorer nos relations sociales. L’œil est la fenêtre ouverte sur le monde, une connexion entre les êtres. Le regard est l’expression non verbale de nos émotions. Un simple regard vaut parfois toutes les phrases du monde. Il exprime la gentillesse ou la dureté de cœur de l’être. Il dévoile les émotions et les sentiments de chaque individu. Ses traits d’expression ne mentent jamais. Jésus a parlé de l’œil comme une lampe révélant l’intimité de l’âme. « La lampe du corps, c’est l’œil. Donc, si ton œil est limpide, ton corps tout entier sera dans la lumière ; mais si ton œil est mauvais, ton corps tout entier sera dans les ténèbres. » (Mt 6:22-23) D’où l’intérêt d’avoir un regard constructif sur le monde pour apprécier réellement ce qui nous entoure. Cela implique une certaine bienveillance. Un regard positif sur quelqu’un suppose l’acceptation de la personne telle qu’elle est. Montrons-nous indulgents envers les autres et nous bénéficierons de leur mansuétude envers nous-mêmes. Cette bonne attitude aura un impact positif sur la qualité de nos relations. « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. […] Car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous. » (Lc 6:37-38) Un conseil judicieux !…
À la veille du carême, Jésus nous demande de sortir d’une position surplombante vis-à-vis des autres pour nous examiner en profondeur. Il nous invite à changer notre regard : « Comment peux-tu dire à ton frère : ‘Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil’, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. » (Lc 6:42) Si nous pouvons voir nos propres défauts, alors nous pouvons comprendre et aussi accepter la faiblesse des autres. Ne laissons pas le regard méchant nous entraîner dans une mauvaise direction. Jésus nous avertit : « Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse, et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne. » (Mt 5:29) Portons d’abord un regard critique sur nous-mêmes : « Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras plus clair… » Sortons de notre petite sphère. À partir de cette connaissance de soi, notre relation avec les autres deviendra plus fraternelle, plus empathique. Cela suppose donc une véritable conversion ! Une vraie disposition de cœur ! Pour cela, saint Paul nous rappelle le message essentiel de Jésus : l’Amour ! « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » (1 Co 13:4-7)
Reprenons la prière de l’aveugle sur la route de Jéricho : « Rabbouni, que je retrouve la vue » (Mc 10:51) Ouvre mes yeux, Seigneur. Apprends-moi à te reconnaître sur les visages des personnes autour de moi.
Nguyễn Thế Cường Jacques